Tous borgnes, et fiers de l’être

CHRONIQUE de Sophia ARAM.

Pogrom du 7 Octobre et assassinat de Samuel Paty. Même combat, même ennemi : ce lien qu’on ne veut pas voir.

Au royaume des aveugles, les borgnes… n’ont qu’un œil. J’ai beau lutter, la formule attribuée à Borges (ou Erasmus, peu importe) ne me quitte pas depuis que j’ai remarqué que la libération des otages israéliens intervient pile entre la commémoration du massacre du 7 octobre 2023 et celle de la décapitation de Samuel Paty du 16 octobre 2020. Et me voilà en train de pouffer bêtement au moment où le soulagement et l’espoir de paix devraient l’emporter.

Mais la formule s’impose, drôle et juste, comme le hasard des calendriers pointe ce que nous refusons de voir tandis que l’ironie de l’Histoire nous implore de sortir de notre aveuglement. Un peu de sourire dans cet automne propice aux commémorations auxquelles on pourrait ajouter le souvenir de l’assassinat de Dominique Bernard, le 13 octobre 2023, et l’anniversaire des vingt ans de la publication des caricatures de Mahomet parues le 30 septembre 2005 dans le quotidien danois Jyllands-Posten. Autant de tragédies renvoyant elles-mêmes à l’exécution de la rédaction de Charlie Hebdo, le 7 janvier 2015 à 11 h 30, et j’en passe…

Des massacres liés par l’idéologie

Tout le monde connaît ces faits et pourtant, rares sont ceux qui relient ces événements entre eux. Et c’est précisément dans cette incapacité à faire le lien que réside notre aveuglement ou, pour les plus attentifs d’entre nous, notre incapacité à en prendre l’exacte mesure, avec la supériorité du borgne au royaume des aveugles.

Pourtant ces massacres sont liés, par l’idéologie qui les porte, par les organisations qui les ont exécutés et par les pays qui les ont financés. Par le Hamas d’abord, dont le projet génocidaire d’éradiquer toute présence juive au Proche-Orient et ailleurs aura vu sa stricte mise en ouvre le 7 octobre 2023.

Mais c’est aussi le Hamas qui, par la bouche d’Abdelhakim Sefrioui, figure centrale du collectif français Cheikh Yassine (du nom du fondateur du Hamas), appelle à exécuter Samuel Paty, ce que tout le monde a, semble-t-il, oublié. C’est cette même volonté de ne pas voir qui nous empêche de prendre la mesure du rôle des États qui, de l’Iran au Qatar, organisent et financent la terreur islamiste depuis la fatwa contre Salman Rushdie jusqu’au pogrom du 7 Octobre.

Parce que, sans cet aveuglément, il faudrait être sacrément inconséquent ou suicidaire pour refuser de nommer et de combattre les organisations et les personnes qui diffusent sans la moindre entrave l’idéologie du Hamas en France, et plus largement en Occident.

Procès en « islamophobie »

Comment ne pas lutter contre ces appels à l’Intifada et à éradiquer Israël « from the river to the sea » dans les rues de Paris, de Londres, de Madrid ou de Genève ? Comment ne pas interroger ces députés français quand ils s’opposent ouvertement au désarmement du Hamas ?

Comment ne pas questionner ces influenceurs partant en croisières organisées et financées par des proxys du Hamas ? Comment ne pas s’interroger sur la facilité avec laquelle ces anciens du collectif Cheikh Yassine multiplient les appels au boycottage et les menaces à l’encontre de tous ceux qui auraient l’outrecuidance de ne pas s’aplatir devant leurs diktats, leurs injonctions à se taire et leurs procès en « islamophobie » ?

Il n’y a pas d’autre explication que notre propre aveuglement et notre refus de considérer les organisations, les États et les relais qui portent le projet islamiste pour ce qu’ils sont, nos ennemis. C’est plutôt cocasse, parce qu’ici comme ailleurs tous ces islamistes, eux, n’hésitent pas un seul instant à se présenter comme les ennemis d’un Occident forcément décadent et corrompu, ce qui a au moins le mérite de la clarté.