Notre mort

Nous ne savons rien de l’avenir. Sauf une chose : nous mourrons tous. Les nombres, les mathématiques, la science sont irréfutables. Notre mort aussi. Elle est une des rares certitudes dont nous puissions nous targuer. De l’Ecclésiaste et de Pyrrhon, le maître du scepticisme, à Montaigne, à Descartes et au désespéré qui va se jeter par la fenêtre parce qu’il ne croit plus à rien, les hommes peuvent tout mettre en doute – sauf leur mort inéluctable. Même les fous, même les sages, même les puissants, même les rois, même le Fils de Dieu puisqu’il s’était fait homme, savent qu’un jour ils mourront. Tous le savent dur comme fer, mais, pour pouvoir continuer à vivre, ils font semblant de l’oublier. Les hommes ont peur de la mort et ils ensevelissent sa pensée comme ils ensevelissent leurs semblables. On n’entend dans les funérailles, écrit Bossuet avec une espèce de sauvagerie, que des paroles d’étonnement de ce que ce mortel est mort.

Jean d’Ormesson