Église et science

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(Albert Einstein et le chanoine catholique Georges Lemaître, astronome et physicien belge)

 

L’idée selon laquelle l’Église serait fondamentalement opposée à la science est un poncif forgé essentiellement au 19e siècle. Il ne résiste pas à l’examen historique.

L’Église médiévale a fondé les premières universités européennes – Paris, Bologne, Oxford – qui devinrent les cadres institutionnels de la recherche rationnelle. La scolastique considérait la raison comme un don divin et cherchait à comprendre le monde par des méthodes argumentatives rigoureuses. Une grande partie des savants fondateurs de disciplines scientifiques furent d’ailleurs des religieux : Gregor Mendel, moine et père de la génétique ; Georges Lemaître, inventeur de la théorie de l’atome primitif, ancêtre de la théorie du Big Bang – Einstein lui-même reconnaissait la pertinence de son raisonnement ; Angelo Secchi, jésuite fondateur de l’astrophysique moderne. Même Copernic était chanoine, et le Vatican possède encore aujourd’hui un observatoire actif. La plus ancienne Académie des Sciences est pontificale.

L’affaire Galilée souvent invoquée comme symbole d’un antagonisme structurel est un épisode réel mais particulier, lié à des tensions d’autorité, de méthode et d’interprétation biblique, plus qu’à un rejet de l’astronomie. Au même moment, l’Église finançait d’autres recherches scientifiques et entretenait des astronomes remarqués. La vision d’un conflit constant n’est donc pas issue des faits, mais d’une construction intellectuelle postérieure.

Cette construction naît surtout à la fin du 19ᵉ siècle. Deux auteurs anglo-saxons, John William Draper et Andrew Dickson White, diffusent l’idée d’une guerre entre science et théologie dans des ouvrages très populaires. Leur récit largement simplifié interprète toute l’histoire comme une confrontation inévitable, même lorsque les sources contredisent cette lecture. Leur succès tient moins à leur rigueur qu’au climat intellectuel de leur époque.
Ce climat est fortement marqué par le positivisme. Inspiré par Auguste Comte, ce courant affirme que l’humanité progresse par trois états – théologique, métaphysique, scientifique – et que la religion appartient à un stade dépassé. Selon cette vision, la science ne peut que remplacer les croyances religieuses. Ce schéma évolutionniste, adopté par des figures comme Littré ou Renan, encourage à interpréter rétrospectivement les relations entre science et religion comme un duel permanent. Ainsi, le positivisme offre la grille de lecture qui permet aux thèses de Draper et White de s’imposer durablement.

Pourtant, l’histoire réelle montre une interaction bien plus riche : des tensions ponctuelles, certes, mais aussi des collaborations fécondes, une contribution majeure à la conservation du savoir, à la fondation d’écoles et à l’essor de nombreux domaines scientifiques.

Le vieux poncif d’un conflit structurel n’est pas seulement exagéré : il est né d’une idéologie tardive, pas des faits.

Il vérifie ce vieil adage : quand on veut tuer son chien, on l’accuse de la rage.

 

Dominique Thiry

Chanoine d’honneur de la cathédrale Saint-Étienne de Metz